LES JOURS DE LA VACHERE

L'ETANÇON Si vous avez un peu de temps, écoutez ce que ma grand-mère contait à mes frères, mes soeurs et sûrement pour moi, autour du feu à l'époque où les châtaignes se cuisaient encore dans la braise, et que le mistral soufflait comme pour décorner les boeufs.
Dehors il faisait mauvais temps, les meuniers avaient cessé leur travail, les chemins s'étaient enfarinés, le mistral soufflait et gelait l'air. La Vieille qui était chaudement dans sa maison, ne voulait pas ouvrir son logis pour laisser son troupeau de brebris s'y cacher et s'y revigorer. Février, en voyant que la Vieille avait l'audace d'agir ainsi et pour la punir, demanda à Mars :
-"Mars, prête-moi trois jours et avec les trois que j'ai, pelade et écorchures je lui ferai."
Et hop !... On entendit péter le tonnerre : les nuées d'orage plus qu'effrayantes, les bruits de la tempête, enveloppèrent la contrée.
La maison de la Vieille s'effondra et son troupeau périt !
Mais la vieille, elle qui ne meurt jamais, acheta encore sept vaches ; la Vieille était heureuse, un peu indolente, et disait à la cantonade :
- "En échappant de Mars et de ses mauvais jours j'ai sauvé mes vaches et mes veaux."
Entendre ça ne plut pas à Mars, qui demanda à Avril avec une oeillade malicieuse :
- "Avril, je n'ai plus que trois jours ; prête-m'en quatre, les vaches de la Vieille je les ferai battre la campage."
Avril qui avait tout son temps devant lui, lui donna ce qu'il lui demandait, et à la tombée de la nuit, une mauvaise froidure brûla l'herbe, et le gel ratatina les feuilles, tellement que les vaches gisèrent à terre et de nouveau, la Vieille, quand l'aube se leva, se retrouva sans vache qui moururent toutes avant de voir, dans la Sansouire, la Vieille qui dansait."
Il faut croire que, pour vivre heureux, il ne faut pas être seulement envieux, il faut s'atteler au travail et se tenir éveillé !

A SAVOIR :
Les trois derniers jours de février s'appellent : les jours de la Vieille.
Les trois derniers jours de mars et les quatre premiers jours d'avril sont les jours de la vachère.
Les quatre premiers jours d'avril s'appellent : l'abrihando.

PROVERBES PROVENCAUX :
Plus avançait la Vieille, plus elle apprenait ; pour cela elle ne voulait pas mourir.
Si l'abrihando est venteuse, il y en a pour quarante jours.