MARSEILLE

Il s'agit de la plus vieille cité de France. Mais c'est aussi celle qui est la plus pauvre en monuments. Fondée par les Grecs vers 600 avant J-C l'antique Massalia est bien à part, plus méditerranéenne que provençale ou française. C'est surtout un lieu de transit. Un endroit où l'on entrepose les marchandises avant de les diffuser. Les grands monuments symboliques n'ont ici aucune importance, le territoire marseillais étant exigu, coincé entre la mer et les collines qui le séparent de la Provence continentale. À Marseille, seul le commerce compte. On lui sacrifie tout. L'agglomération tourne le dos au continent pour regarder vers la mer et faire du négoce. Cela explique en grande part l'annexion de la Provence à la France, la ville ayant joué un rôle certain dans cet événement. Il y a donc une grande différence entre la tràs catalaniste Barcelone et l'apatride et mercantile Marseille...

Dàs l'Antiquité, les Massaliotes commercent avec l'intérieur des terres et l'ouest méditerranéen. Si Arles supplante la cité à l'époque romaine, la renaissance économique médiévale lui rend son dynamisme. Des Croisades à la colonisation, cela est bien sûr lié à l'Orient. La France ne possédant pas de ports sur son territoire originel, la bourgeoisie marseillaise favorise l'annexion de la Provence à son grand voisin pour faire fructifier ses affaires. Le projet est réalisé par l'un des siens, Palamàde de Forbin. Marseille est récompensée en recevant le monopole du commerce avec l'Orient. Mais la ville restera toujours rebelle vis-à-vis de son nouveau pays. Apràs avoir châtié son côté frondeur et tout en la surveillant de pràs, Louis XIV octroie à Marseille le statut de port franc en 1669. Au siàcle suivant, ses activités commerciales s'élargissent au monde entier. Les Marseillais créent sur place des industries de transformation pour traiter les matiàres premiàres - huileries, savonneries, industries alimentaires... Le 19àme siàcle verra l'apogée de la ville grâce à l'établissement du chemin de fer ainsi que la colonisation initiée par la prise d'Alger ou le creusement du canal de Suez. La cité y gagne le surnom de "Porte de l'Orient". Le Lacydon devenant trop petit, le port s'étend au Nord. Dàs le ràgne de Louis XIV, le vieux Marseille avait connu une extension notable, processus qui se poursuivra par la suite. Les zones bâties du centre sont de plus en plus souvent bouleversées afin de laisser place à de nouveaux bâtiments. La Canebiàre devient une sorte de frontiàre entre deux zones distinctes de l'agglomération: un nord populaire, ouvrier et industriel, un sud bourgeois et résidentiel. Mais la décolonisation marque la fin de l'âge d'or.

Nous avons déjà dit que Marseille a toujours été cosmopolite. Cette réalité n'a toutefois jamais été incompatible avec une riche culture populaire qui a toujours su assimiler de nombreux apports extérieurs avant de les diffuser dans l'arriàre-pays. Jusqu'à la fin du 19àme siàcle, le provençal marseillais qu'illustra Victor Gelu était parlé partout. Sous Louis XIV, la marquise de Sévigné ou Mademoiselle de Scudéry étaient surprises de ne pouvoir converser en français avec les épouses des notables. La vie de la cité était marquée par de nombreuses fêtes. Marseille était la véritable capitale du tambourin provençal, les principaux praticiens de cet instrument habitant la ville.

Aujourd'hui, Marseille est plus que jamais influencée par ses forces et ses faiblesses. Creuset d'immigration, le chômage et les tensions raciales y sont récurrents. La ville a la nostalgie de l'époque bénie où elle reliait la France à ses colonies. Mais fascinée par l'exemple de ses voisines - surtout Barcelone Marseille se rêve capitale culturelle. On rénove le front de mer autour de la cathédrale. La ville se dote de nombreux lieux culturels "branchés" qui n'ont rien à envier à ce que l'on trouve dans les autres grandes métropoles. Quoi qu'il arrive et à tort ou à raison, l'avenir de la Provence ne se fera pas sans Marseille...

Rémy Venture