Il était une fois un roi, grand et puissant, qui avait à côté de son palais un superbe jardin. Dans ce jardin, il y avait un pommier qui faisait des pommes d’or. Mais le roi n’avait jamais pu les cueillir. Il voyait l’arbre fleurir, les fleurs tomber, les fruits murir et se dorer au soleil, mais, tous les ans, quand venait le moment d’aller les cueillir, quelqu’un - il ne savait pas qui - venait dans la nuit les voler.
Les soldats les plus courageux, les meilleurs gardes qui surveillaient le jardin n’avaient pu surprendre le voleur.
L’aîné des enfants du roi vint alors un jour dire à son père :
- Père, j’ai grandi et je me sens assez for. Les pommes d’or sont mûres, laisse”-moi cette nuit surveiller le jardin et je vous promets d’attraper le brigand qui vous vole.
- Mon pauvre enfant, dit le roi, personne n’a jamais pu y arriver. Mais enfin, ça ne coûte rien d’essayer.
Le jeune prince, toute une longue semaine, se tint à l’affut. Il dormait le jour pour mieux veiller la nuit. Mais une nuit, le sommeil le prit. Quand il ouvrit les yeux, on avait volé les pommes d’or.
Le roi en colère decida de faire abattre le pommier aux pommes d’or dont, il le sentait, il ne pourrait en cueillir une seule. Mais le cadet de ses enfant le supplia d’attendre encore un an car il se disait qu’alors, il serait assez fort pour veiller mieux que son ainé dans le jardin.
- Soit ! dit le roi, attendons encore un an.

Vint le temps où les pommes d’or furent mures. Le cadet monta la garde comme l’avait fait son ainé, mais, comme l’ainé, il s’endormit et les pommes d’or furent volées.
Découragé, le roi allait faire couper l’arbre quand le plus jeune de ses enfants, le vaillant Ninoi-Ninet, lui dit :
- Père, vous avez attendu tant d’années, vous pouvez bien attendre un an de plus et me laisser ma chance. Je veillerai sur votre jardin.
- Ecervelé que tu es, répondit son père. Tes ainés, pas plus que mes meilleurs soldats, n’ont pu réussir à attraper le voleur. Ce n’est pas toi, petit morveux, qui le feras. Le mieux est d’arracher cet arbre.
- Laissez-le encore un an, s’il vous plait, supplia Ninoi-Ninet.
- Eh bien soit ! dit le roi. Mais c’est le dernier.
Vint le printemps, vint l’été. L’autome venu, le pommier, après avoir fleuri, perdit ses fleurs, et ses belles pommes d’or murirent une fois de plus.
Le moment était venu pour Ninoi-Ninet de monter la garde au jardin. Il avait emporté son arc et son carquois et, pour ne pas s’endormir en s’alongeant par terre, il eut l’idée de planter une flèche de chaque côté de sa tête. Il fit bien car quand un moment plus tard le sommeil le prit, sa tête en s’inclinant heurta la pointe d’une des flèches, ce qui le reveilla juste à temps pour voir que quelqu’un volait les pommes d’or. En un tournemain il avait bandé son arc et il tira.
Un long gémissement s’entendit au pied de l’arbre, puis il y eut un long silence.
Ninoi-Ninet attendit le matin pour cueillir à l’arbre de belles pommes d’or qu’il porta à son paire sur un grand plateau d’or.
Jamais de sa vie le roi ne fut aussi content qu’en voyant sur sa table ces pommes d’or qui lui avait demandé autant d’entêtement.
- Ce n’est pas tout, dit Ninoi-Ninet. Il nous faut maintenant trouver le voleur.
- A quoi bon ? fit le roi.
Mais Ninoi-Ninet tenait à son idée. Il montra à son père la trace de sang laissé par le voleur.
- J’irai le chercher au bout de la terre s’il le faut, dit-il.
Et il demanda à ses frères de venir avec lui.
L’ainé et le cadet étaient jaloux de leur benjamin et cherchaient le moyen de s’en débarrasser. Ils furent d’accord pour partir avec lui. Chemin faisant, en suivant la trace de sang, il arrivèrent dans un désert et, marchant toujours, se trouvèrent au bord d’un précipice où le chemin s’arrêtait, ainsi que les traces de sang. Le voleur ne pouvait qu’être au fond de l’abîme. Comment y descendre ?
Ils firent une tour, une poulie et un cable qui furent vite mis en place.
L’ainé se fit descendre.
-Dès que je secouerai la corde, dit-il, remontez-moi vite.
Ainsi fut fait.
Le cadet descendit ensuite. Il se laissa descendre un peu plus bas. Mais rapidement il fallu le tirer.
- A moi, maintenant, dit Ninoi-Ninet, en voyant que ses frères avaient peur d’y laisser leur peau. Chaque fois que je secouerai la corde, donnez-moi un de mou que je descende un peu plus. Et, quand je serai au bout de la corde, regardez-bien alentourr pour me remonter si je fais danser la corde.
Ninoi-Ninet descendit, descendit et se trouva arrivé dans l’autre monde. Il regarda de tous les côtés, inquiet et s’épouvanta de voir que tout, ici, était différent du monde dont il venait. Il prit peur. Puis il s’apaisaa, prit courage et s’aventura sur un chemin qui le mena devant un château fait tout de cuivre.
Ne trouvant personne à qui parler, il entra dans le palais.
Là une belle jeune fille vint à sa rencontre et lui dit :
- Dieu soit loué de m’avoir fait revoir un homme venu du monde où je suis née ! Mais comment as-tu fait pour venir jusqu’ici ? Ce pays appartient aux trois frères dracas qui nous ont enlevées à nos parents. Nous sommes trois soeurs, trois filles de roi qui venont du monde où tu vis.
En trois mots, Ninoi-Ninet lui raconta son histoire : les pommes d’or, le voleur qu’il avait blessé, la trace de sang qu’il avait suivie jusqu’au précipice au fond duquel il était descendu. Il demanda qui était les dracas ?... Quelle sorte de gens ? S’ils étaient hardis et forts ?
Elle lui expliqua que les dracas étaient des dragons qui pouvaient se changer en hommes et que chacun des dracas s’était choisi une soeur qu’ils pressaient de les épouser. Elles se refusaient, faisant valoir toutes sortes de raisons, posant les conditions les plus fantaisistes ; les dracas de leur côté se mettaient en quatre pour satisfaire leurs caprices.
- Ils sont hardis et forts, répondit-elle, mais si Dieu veut, tu en viendras à bout. En attendant, cache-toi, pour l’amour de Dieu !... Il ne faudrait pas que le dras te trouve chez lui. Il est méchant et teigneux et, quand il attaque, c’est un lion sauvage. Il va rentrer pour le diner et il a pour habitude, quand il se trouve à trois lieux d’ici, de lancer sa massue qui tape la porte, la table puis va s’accrocher à un clou planté dans le mur. Elle n’avait pas fini de parler qu’on entendit quelque chose siffler, taper la porte, la table, puis on vit la massue aller s’accrocher au clou. Mais Ninoi-Ninet la dépendit et l’envoya plus loin que le dracas à qui elle frola l’épaule en passant.
Pétrifié, celui-ci s’arrêta soudain, regarda tomber la massue, puis alla la ramasser et partit chez lui. Quand il fut devant son portail, il cria :
- Hum, hum ! Ca sent la chair fraîche d’un homme venu de l’autre monde !
Et, voyant le jeune prince qui venait au-devant de lui, il lui dit :
- Qu’est-ce qui t’amène en terre forestière, jeune homme, pour y laisser tes os ?
- Je suis à la recherche de ceux qui ont volé les pommes d’or de mon paire, dit Ninoi-Ninet.
- C’est nous, dit le dracas. Alors, comment allons-nous nous battre ?
A coup de massue, à toi ! à moi...,
Tu veux que qu’on se frappe et qu’on s’écrase ?
Ou, si tu préfères,
Qu’on se transperce avec l’épée ?
Ou bien, pour voir le plus fort,
Tu veux qu’on lutte au corps à corps
Jusqu’à la mort ?
- Le corps à corps me va, dit Ninoi-Ninet. C’est le combat des hommes.
Ils s’empoignèrent sur le champ et luttèrent jusqu’à ce que le dracas enfonce Ninoi-Ninet dans la terro jusqu’aux chevilles. Mais Ninoi-Ninet avec force se plia, souleva le dracas à plein bras et le planta dans la terre jusqu’aux genoux. Puis il lui rompit la nuque.
Des larmes dans les yeux, la jeune fille le remercia de l’avoir délivrée du dracas e le supplia d’avoir pitié aussi de ses deux autres soeurs. Après s’être reposé un jour ou deux, Ninoi-Ninet, sur les conseils de la jeune fille, se mit en route vers celle des soeurs qui demeurait dans le palais d’argent.
Là, comme chez l’ainée, il fut bien accueilli. La princesse lui conseilla de se cacher mais il refusa et, quand la massue du dracas vint s’accrocher au clou, il la prit et la renvoya encore plus loin, heurtant au passage la tête du dracas. Celui-ci, furieux, lutta contre Ninoi-Ninet comme l’avait fait son ainé, et comme son ainé il trouva la mort.
Alors Ninoi-Ninet se prépara à rencontrer le troisième dracas et délivrer la plus jeune des soeurs.
- Méfie-toi, lui dit la cadeto en le remerciant, celui-ci est le plus fort des trois. Mais comme tu l’as blessé quand il voulait voler les pommes d’or, je pense que tu pourras le tuer. Je te souhaite bonne chance...
Rassemblant tout son courage, Ninoi-Ninet se mit à la recherche du palais d’or où demeurait la troisième soeur. Il le trouva et rentra.
Dès qu’elle le vit, la jeune princesse le supplia de la délivrer du dracas qui était décidé à l’épouser, de force si besoin était.
Elle n’avait pas fini de parler que la massue heurtait la porte, rebondissait sur la table et s’accrochait au clou du mur. Ninoi-Ninet la prit et la renvoya au loin, touchant le dracas à la poitrine en passant.
Plein de rage, le dracas fonça vers le palais.
- Qui est assez hardi pour franchir les limites de mes terres et pour entrer jusque dans ma maison ?
- C’est moi, dit Ninoi-Ninet.
- Si c’est toi, tu vas partir plus vite que tu es venu, dit le dracas. Et ils décidèrent de lutter au corps à corps.
E lutte que tu luttes,
Sous le grand soleil.
Tant l’un que l’autre y va gaiement
et porte l’effroi.
Sur le coup de midi, voilà que tous les deux s’enflamment et ils continuent ainsi à se battre tandis qu’un corbeau leur tourne autour en faisant :”Croa ! ...croa !...
En le voyant, de dracass lui cria :
- Corbeau, corbeau, va chercher du suint et verse-le moi dessus ; je te donnerai une charogne.
A son tour, Ninoi-Ninet dit au corbeau :
- Si le suint tu le verse sur moi, c’est trois charognes que je te donnerais.
Le corbeau eut vite fait d’aller chercher du suint et le laissa tomber sur Ninoi-Ninet. Celui-ci s’enflamma de plus belle.
Le soir venu, ils luttaient toujours.
- Apporte-moi de l’eau, ma jolie, cria le dracas à la princesse et je te promets que demain nous nous marieront.
- Ma jolie, dit Ninoi-Ninet, cette eau, apporte-la moi et je te jure que je te ramènerai sur notre terre et que nous nous marierons.
- Le ciel t’entende ! répondit la princesse.
Et elle apporta de l’eau à Ninoi-Ninet qui fut tout ravigoré. Alors, il prit le dracas à bras le corps, le souleva, puis, zou ! l’enfonça dans la terre jusqu’aux genoux. Mais le dracas força et réussit à planter Ninoi-Ninet dans la terre jusqu’au ventre. Ninoi-Ninet, alors, se tendant de toutes ses forces, étreignit le dracas et, fit craquer ses os et le jeta si fort qu’il l’enfonça jusqu’au cou, puis il lui rompit le cou. Les trois princesses furent tellement contentes qu’elles vinrent l’embrasser.
Elles lui expliquèrent que dans chaque palais il y avait un fouet et qu’en les fouettant, ces palais se changeaient en pommes. C’est ce qu’il fit. Chacune des jeunes filles eut sa pomme et ils décidèrent de rentrer sur leur bonne terre.
Aussitôt arrivés au pied du précipice, Ninoi-Ninet secoua la corde et les sentinelles comprirent qu’il leur fallait tirer. Monta d’abord l’ainée avec sa pomme de cuivre. Sitôt arrivée en haut, elle montra le billet que Ninoi-Ninet avait écrit pour dire qu’elle devait se marier avec son frère ainé.
Ils firent monter la cadette avec sa pomme d’argent et le billet disant que le cadet des frères devait l’épouser.
Enfin ils firent monter la plus jeune des princesse que Ninoi-Ninet avait décidé d’avoir pour épouse. Mais il ne lui avait pas donné la pomme d’or. Il l’avait gardée. Il avait compris que ces frères lui voulaient du mal.
Aussi, quand la corde descendit pour qu’il remonte, il y attacha une grosse pierre qu’il coiffa de son bonnet de poils. L’idée était bonne... En voyant paraître le bonnet, pensant que c’était Ninoi-Ninet, les frères lachèrent la corde et la pierre tomba et s’écrasa au fond de l’abîme. Ils emmenèrent ensuite les trois jeunes filles au château du roi, disans, en faisant semblant de le pleurer, que Ninoi-Ninet était mort, et ils épousèrent les deux ainées. Mais la plus jeune refusa tous les partis qui s’offrirent.
Pendant ce temps, ayant échappé à la mort, Ninoi-Ninet de demandait comment il allait faire pour remonter sur terre. E voici qu’il entendit des plaintes et des cris. Regardant autour de lui, il vit un dragon enroulé à un arbre et qui escaladait vers un nid d’aigle gigantesque pour lui dévorer ses aiglons. Tirant son épée, Ninoi-Ninet se rua sur la bête et la hacha en petits morceaux.
 Se voyant sauvés, les aiglons le remercièrent et lui dirent :
- Viens vite te cacher dans notre nid car si notre maire te vois, elle sera si heureuse qu’elle t’avalera tout cru.
Ils s’arrachèrent une plume et cachèrent Ninoi-Ninet dessous.
Quand l’aigle gigantesque arriva et vit les restes du dragon par terre, elle leur demanda qui les avait sauvé.
- C’est un homme de l’autre monde, lui dirent-ils, et il est parti vers l’est.
- Je veux le remercier, dit la mère en s’envolant vers l’est. Elle fut vite de retour :
- Dites-moi la vérité, dit-elle. Où est-il allé ?
- Vers l’ouest.
Pas plus d’ici que de là, ni du nord ni du sud, l’aigle ne trouva Ninoi-Ninet.
- Où est-il ?... Je veux savoir la vérité, demanda de nouveau l’aigle en grondant ses aiglons.
- Nous te le dirons si tu nous promets de ne pas lui faire de mal.
- Je vous le promets, dit l’aigle immense.
Alors les aiglons tirèrent Ninoi-Ninet de sous les plumes. L’aigle le serra entre ses deux ailes, et elle était tellement contente qu’elle l’aurait avalé d’un coup si les aiglons ne l’avaient pas retenue.
- Tu as sauvé mes petits, que puis-je faire pour te rendre service ? demanda-t-elle.
- Porte-moi dans l’autre monde où je veux retourner.
- Ce n’est pas si simple ce que tu me demandes, mais je suis d’accord. Prépare un centenau de pan e cent morceaux de viande de trois livres chacun.
Ninoi-Ninet, avec bien de la peine, partit faire la provision demandée de viande et de pain.
-Mets ça sur mon dos et monte aussi, ordonna l’aigle, et chaque fois que je tournerai la tête, tu me donneras un pain et un morceau de viande.
Ainsi fut fait. L’aigle s’envola e, chaque fois qu’elle tournaitt la tête, Ninoi-Ninet lui fournissait à manger. Quand ils furent presque en haut du précipice et que l’aigle, une fois de plus, tourna la tête, Ninoi-Ninet n’avait plus de viande à lui donner. Alors, sans hésiter, il tira son épée et se tailla un morceau de chair dans la cuisse pour lui offrir.
Ils purent arriver sur la terre d’en haut. Ninoi-Ninet ne tenait plus sur ses jambes et l’aigle s’en aperçut. Elle lui dit :
- Si tu ne m’avais pas rendu un si grand service, et si je n’avais pas fait une promesse à mes petits, je crois bien que je t’aurais mangé. J’ai bien senti que le dernier morceau de viande que tu m’as donné était meilleur que les autres. Aussi, je ne l’ai pas mangé.
Il le recracha et le remit à sa place dans la cuisse de Ninoi-Ninet. Ils s’embrassèrent. L’aigle descendit dans l’abîme et Ninoi-Ninet partit vers le royaume de son père.
Il chemina, marcha longtemps, et en chemin il put apprendre comment allait les choses. Ses frères avaient épousé les deux princesses et la jeune princesse, toujours vêtue de noir, refusait toujours de se marier. Elle rebutait tous les prétendants riches et beaux qui se présentaient. Pourtant, il semblait que cette fois elle serait bien forcée d’accepter le nouveau fiancé que le roi lui avait commandé de prendre pour mari. La princesse n’en avait pas moins mis une condition : elle voulait qu’il y ait dans son trousseau une quenouille avec un fuseau d’or fin qui pourrait filer tout seul. le roi avait commandé le prévôt des orfèvres, lui donnant trois semaines pour accomplir cette oeuvre. Et le pauvre orfèvre se désolait.
Alors Ninoi-Ninet alla le trouver.
- Maître, lui dit-il, il ne vous reste plus que trois jour, laissez-moi faire et je vous fournirai à temps la quenouille et le fuseau.
Mais le maître, qui veanit tout juste de le prendre comme apprenti, le remballa.
- Les plus forts et les plus agiles des orfèvres n’y sont pas arrivés et un gueux dépenaillé comme toi serait plus malin !... lui dit-il.
- Laissez-moi essayer, vous n’avez rien à perdre, dit Ninoi-Ninet.
Il lui donna une chambre où il pourrait travailler sans que personne ne le voit et il fallut lui fournir, chaque nuit, un petit sac d’amandes avec un grand verre de vin.
L’orfèvre avait grand soucis car tout ce qu’il pouvait entendre, en écoutant derrière la porte, c’était le bruit des amandes écrasées sur l’enclume. Pourtant, le troisième jour, Ninoi-Ninet sortant de la chambre tenait sur un plateau la quenouille d’or et le fuseau. Il les avait tirés de la pomme d’or du dracas.
Le roi fut si heureux en voyant la quenouille et le fuseau qu’il donna deux gros sac d’or à l’orfèvre. La princesse, elle, sitôt qu’elle les eut vus compris que Ninoi-Ninet était revenu sur la terre. Alors elle dit au roi :
- Seigneur, celui qui a si bien fait cette quenouille sera assez adroit pour forger un autre joyau que lou dracas avait ajouter dans mon trousseau...
Le roi fit venir l’orfèvre et lui donna trois semaines pour façonner, tout en or, une poule couveuse et ses petits poussins. Chose impossible, pensa l’orfèvre. Mais là aussi, Ninoi-Ninet le tira d’affaires. Et, quand il entendit glousser la poule et pépier les poussins, quand il les vit, façonnés d’or fin, qui béquaient du grain de mil, l’orfèvre comprit bien qu’il y avait quelque magie là-dedans. Il prit malgré tout la poule couveuse et les poussins pour les porter au roi. Emerveillé, celui-ci en toute hâte les fit porter à la princesse et lui dit :
- Cette fois, tous tes voeux sont respectés. Il te faut te marier.
- Seigneur, dit la princesse, celui qui a pu forger de si belles choses doit avoir, c’est sur, la pomme du dracas. Commandez à votre orfèvre de vous l’amener.
- Comment pourrais-je vous présenter mon apprentis, Seigneur, marmonna l’orfèvre. C’est un pauvre diable, un malendrin tout dépenaillé ...
- Amenez-le ! commanda le roi. Je veux le voir.
L’orfèvre fit débarbouiller Ninoi-Ninet, l’habilla de propre et l’amena au palais. Aussitôt qu’elle le vit, la princesse le reconnut.
- Voici, dit-elle au roi, le valeureux qui nous a sorties des griffes des méchants dracas.
L’ayant mieux regardé, le roi reconnut son enfant, le serra dans ses bras en lui faisant mille baisers. Mais Ninoi-Ninet ne voulait pas se faire reconnaître. Il finit malgré tout par admettre qu’il était bien son enfant.
Alors il déballa toute son histoire, du commencement à la fin. Irrité, le roi fit venir ses deux autres garçons. Ceux-ci, dès qu’ils virent Ninoi-Ninet, se mirent à trembler.
- Comment veux-tu qu’ils soient châtiés ? demanda le roi à Ninoi-Ninet.
- En ce qui me concerne, répondit-il, je veux leur pardonner. S’ils doivent être punis, que la punition vienne du ciel.
Ils allèrent tous trois s’asseoir devant le palais et décidèrent de lancer chacun une flèche en l’air.
- Si l’un d’entre eux doit être châtié, le ciel le punira.
Ainsi fut fait. Les trois frères allèrent dans la cours, tirèrent leur arc et lachèrent une flèche. Les flèches tirées par les deux ainés leur retombèrent doit sur la tête, les tuant sur le coup. Celle que Ninoi-Ninet avait lancée vint se planter devant ses pieds.
Ninoi-Ninet épousa la jeune princesse et quand son père mourut, il fut roi de son royaume. Il le gouverna dans la paix et continue encore s’il est toujours de ce monde.