La région de Provence (du Diois à la mer, du Rhône aux Alpes) fut habitée et exploitée dès le Paléolithique moyen (arbres et céréales, chemins, vie collective et commerce). Le Rhône séparait à l'Ouest les Ibères et à l'Est les Ligures. Au IXème et VIIIème siècles avant J.C. : arrivée des Phéniciens. Au VIIIème et VIIème siècles avant J.C. : arrivée des Rhôdiens. Au VIème siècle avant J.C. : arrivée des Phocéens. Vers 600, le Phocéen Protis obtint du roi ligure Nann la main de sa fille Gyptis et fonda un port : Massalia (Marseille).
Dès la fin du VIème siècle avant J.C., les Grecs utilisaient Massalia pour commercer et pénétrer à l'intérieur des terres. Ils fondèrent des comptoirs partout, des villes comme Arles et Glanum, et allèrent jusqu'en Champagne, en Europe du Nord, en Baltique, en Espagne, mais sans essai de colonisation. Marseille transmit à l'Occident l'alphabet et l'écriture, la monnaie, les mathématiques, la philosophie, la musique, les céramiques, la sculpture et le recours aux lois, la culture de la vigne et de l'olivier. Le commerce intensif et surtout la prédominance de l'esprit grec, esprit de liberté, de tolérance, de scepticisme léger, de découverte, d'indiscipline aussi, fut fidèlement conservé par les Provençaux et la lourdeur romaine ne pût jamais le vaincre.
Marseille était donc la sentinelle avancée de l'Hellénisme. Mais, menacée parfois par les Barbares (Celtes et Ligures), elle appella les Romains, qui avaient vaincu les Grecs, à son aide. Les Romains qui avaient conquis l'Espagne, après l'Afrique du Nord et la guerre avec Carthage, désiraient s'y rendre par voie de terre. Avec l'accord de Marseille et de la Provence, ils construisirent l'énorme forteresse d'Aqua Sextiae (Aix en Provence) en 122 avant J.C. et le consul Domitius Ahenobarbus construisit la Voie Domitienne, de Rome à l'Espagne. Rome décréta que le pays formait la province transalpine, la Provincia, qui serait appelée plus tard la Narbonnaise, de sa capitale Narbonne fondée en 118 avant J.C.
Le consul Marius repoussa une première invasion des Barbares à Perthuis en 102 avant J.C., victoire perpétuée encore de nos jours chaque année au Carnaval. Marseille était en excellentes relations avec les Romains, mais lorsqu'il fallut choisir entre César et Pompée, elle soutint Pompée. Et Jules César, revenu d'Egypte après sa victoire sur Antoine et Cléopâtre, assiégea la ville, la soumit, la priva de son activité portuaire et remit toute sa primauté économique, culturelle et politique à la ville d'Arles. Fréjus devint base navale des Gaules (50 avant J.C.). Construction accélérée d'Orange, Vienne, Avignon, Cavaillon, Apt, Carpentras, Nîmes, Die, Vaison, Saint Rémy, etc... et du Pont du Gard. César Auguste (27 avant J.C.) organisa définitivement la Provincia divisée en deux. Elle était administrée par un rhéteur Romain.
Les magistrats étaient indigénés et annuels, nommés par les anciens et les notables. Narbonne demeura la capitale et la Provincia césalpine, comme la Narbonnaise, s'administrait librement. La langue était le latin. Création du cadastre. Très importante agriculture et grosse industrie : construction de navires. Arles prit de plus en plus d'importance.
Vers 250 commencèrent les premières invasions barbares. Les villes construisirent des remparts. Dioclétien réorganisa la Provincia et le système fiscal s'aggrava. Les aristocrates et les bourgeois quittèrent les villes et allèrent habiter leurs « villas » à la campagne, les manses, qui devinrent centres d'exploitation rurale et deviendront mas au IXème siècle. Au IVème siècle : renaissance économique. La fortune d'Arles éclipsait celle de toutes les autres villes de l'Empire. Marseille restait déchue. Après 350, nouvelles invasions. Création d'une nouvelle Narbonnaise comprenant Aix, Apt, Fréjus, Gap, Sisteron.
En 385 eut lieu la séparation de l'Empire d'Orient et de l'Empire d'Occident, la proclamation du Christianisme religion officielle. Le préfet des gaules s'installa en Arles et fit construire Trinquetaille (411) ainsi que l'Archevéché. Construction des premières églises de la Chrétienté et des seconds remparts. A partir de 423, Arles fut assiégée par les Visigoths, puis par les Ostrogoths qui s'en emparèrent, et les Francs l'incorporèrent pour un temps à leur royaume en 536. Mais la civilisation gréco-romaine s'imposa aux barbares. Arles demeura la première ville de la Chrétienté, les premiers monastères (Saint Victor, Saint Sauveur, Saint Honorat) furent construits à Marseille et aux îles de Lérins.
En 536, les francs furent intégrés sans effort et pacifiquement à la Provence où l'on parlait alors un bas latin qui devait bientôt engendrer le provençal. Les francs essayèrent d'intégrer Marseille et la Provence au royaume franc, mais le pays conserva son indépendance et, au début du VIIème siècle, son chef Mauron le proclama et prit le titre de Duc souverain. Mais Charles Martel voulait chasser les Arabes qui avaient entretenu jusqu'alors les meilleures relations avec les habitants du Miéjour (apportant les chiffres arabes, les échecs, et commerçant avec eux) et surtout soumettre les Provençaux. II y parvint en 739, semant la ruine et la désolation. Construction de l'église forteresse des Saintes Maries de la Mer. La Provence fut intégrée au royaume Franc. Son commerce en Méditerranée était mort, ses campagnes dévastées. Ce fut un temps mort.
Après Charlemagne, le traité de Verdun (843) divisa son Empire en trois. Mais Fulcran se révolta, devint Duc souverain de Provence et, à la mort de Lothaire, le royaume de Provence était créé en 855, avec la langue d'Oc (néo-latin) comme langue officielle. Il comprenait le Duché de Lyon.
Dès sa création, il fut en butte à la convoitise féroce des Rois de Bourgogne qui s'en emparèrent en 947 etremanièrent le personnel administratif, sans faire toutefois trop de mal. Les Sarrasins étaient revenus en force et occupaient le Golfe de Saint Tropez. Leurs pillages étaient incessants. En 972, le souverain de Provence Guillaume réunît tous les seigneurs et chassa définitivement les arabes. Il redistribua les terres reprises aux Arabes à ces compagnons et créa la Féodalité. L'Eglise se modela sur ce système et ce fut la construction des grandes abbayes ou leur rénovation : Montmajour, Franquevaux, Psalmody dont les moines asséchèrent les marais et firent la prospérité de la Camargue.
Premiers essais architecturaux et naissance de l'Art Roman, proprement Provençal (Saint Gilles). La culture s'intensifia, les baux à mi-fruit typiquement provençaux se répandirent. L'économie renaquît. Raymond de Saint Gilles conduisit la première croisade en 1095. La route de l'Orient était ouverte. Marseille renaissait, s'enrichissait de façon extraordinaire. Beaucoup de villes achetèrent leur liberté, sauf Montpellier, très prospère pourtant, qui resta la propriété du Roi d'Aragon (royaume de Mayorque).
En 1112, Douce, héritière directe de Guillaume, épousa Raymond Bérenger, comte de Toulouse et de Barcelone, et fit remise de ses droits à son mari, ce qu'elle aurait pu éviter, le droit romain étant resté valable (en Provence, les femmes avaient donc le droit de posséder leurs biens en propre et de les gérer personnellement). Beaucoup de villes de la Provence avaient, pendant les croisades, signé des pactes et des traités de commerce avec les villes italiennes à qui elles étaient étroitement liées. Le Miéjour s'étendait donc maintenant de l'Espagne à l'Italie et sa langue était la langue d'Oc.
Le Comte souverain catalan Raymond Bérenger, avec son conseiller Roméo de Villeneuve, accomplît dès son avènement (1219) une oeuvre extraordinaire. Très en avance sur son temps, il sépara le pouvoir exécutif du pouvoir législatif, régionalisa l'administration en créant des circonscriptions ou « baillies » ayant un bailli à leur tête et créa un système fiscal modèle. Il eut vis-à-vis des villes libres (ou consulaires) une attitude souple, modérée et opportuniste, mais leur imposant toujours sa volonté. Ses quatre filles furent reines (monument à Forcalquier). Mais surtout, sa cour (principalement tenue à Toulouse) fut sans conteste la cour la plus brillante d'Occident. Son éclat y attirait tous les beaux esprits, les savants, les poètes, les musiciens de l'époque, et son raffinement s'opposait totalement à la sombre barbarie ignare de la cour des rois de France à Paris. Lui-même poète et musicien, il eut pour ami Bernard de Ventadour, le Troubadour. Plus tard appelé à la cour d'Angleterre par les Plantagenêt, Richard Coeur de Lion se piquait lui-même d'être un troubadour et les poètes écossais adoptèrent la versification occitane.
Beaucoup d'autres troubadours (il y en eut 400 après Guillaume IX d'Aquitaine, qui fut le premier) passèrent en Italie, où, reçus comme des princes dans les cours italiennes, ils participèrent à la création de l'italien moderne. En 1300, Dante hésita longtemps avant de savoir s'il écrirait la Divine Comédie en toscan ou en occitan. Les Troubadours (du verbe : trobar, trouver) ont poussé la recherche en versification à son point le plus savant : aubades, ballades, chansons, rondo, sirvente, lais, virelai, etc... et de même les chansons de gestes.
Mais leur plus grand mérite, unique jusqu'alors dans l'histoire de l'humanité, fut de créer « l'Amour Courtois » ou Amour Chevaleresque où rien n'était assez beau, assez difficile, assez long surtout, pour célébrer et conquérir la « Dame », obtenir ses faveurs, sa main ou simplement un sourire, et en faire un objet de vénération extasiée (Le Bréviaire d'Amour - Girard de Roussillon, etc...). Ce fut le beau temps des cours d'Amour dont plusieurs se tinrent au château des Baux (1100). Les poètes italiens, particulièrement Pétrarque qui fut élevé et vécut en Provence et fit ses études à Montpellier, suivirent ce mouvement et cette nouvelle source d'inspiration qui fut immortalisée par leurs oeuvres.
Mais les rois de France regardaient toujours avec envie le beau royaume. En 1246, la reine Blanche de Castille avait fait épouser à son fils Louis IX (Saint Louis) une fille de Provence, Marguerite d'Anjou, et à son second fils, Charles, Béatrice, héritière de Raymond Béranger. Lorsque Charles partit à la croisade, sa longue absence permit aux seigneurs et aux villes de devenir indépendants et de former une ligue. A son retour, Charles la dissolut et créa les « vigueries ». Il y eut un grand viguier à Arles, Avignon, Marseille.
Dans le domaine administratif, il fut assez intelligent pour laisser en place la remarquable organisation créée par Raymond. Il plaça un sénéchal en tête de l'administration, assisté d'un conseil général. Il nomma un juge supérieur, un trésorier et des procureurs (percepteurs) fiscaux. Les vigueries furent instituées là où avait existé une organisation municipale remarquablement évoluée et libérale. Les droits féodaux et domaniaux furent étroitement contrôlés et le trésor bien alimenté. Cette richesse permit à Charles 1er d'étendre le territoire de Provence au nord de l'Italie jusqu'à Turin. Il voulait restaurer l'Empire d'Occident de Constantinople. Lorsqu'il mourut en 1285, la colonisation italienne absorba les ressources et l'activité de ses successeurs.
Mais cette expansion italienne fut bénéfique aux Provençaux : commerce, arts, cuisine raffinée, art de la table et la table elle-même, la fourchette, etc... (500 recettes de cuisine communes à la Provence et à l'Italie !) et enfin Marseille, qui joua un rôle important dans la conquête du royaume de Naples, accapara presque tout le trafic de la Méditerranée. La langue provençale était à son apogée.
Malheureusement, le reste du Miéjour, et surtout Albi et Béziers, étaient dévastées par la croisade contre les Cathares, initiée par le Pape Innocent III en 1198, croisade déchaînée après l'assassinat du légat du Pape, Pierre de Castelnau à Fourques en 1208. Atrocités, villes et populations brûlées, et, surtout, institution de l'Inquisition en 1234 par Grégoire IX. Malgré cela et l'impitoyable invasion de Simon de Montfort, il fallut plus d'un siècle pour extirper l'hérésie. Pourtant, les universités du Miéjour prospérèrent et se multiptièrent et celle de Montpeller, laïque, connut un essor incomparable, surtout celle de médecine où l'on pratiquait la dissection.
Dans le siècle suivant la croisade des albigeois, on assista à un renouveau extraordinaire, au développement des villes et de l'agriculture (légumes et fruits nouveaux, procédés de culture). L'élevage était suffisant. On planta le mûrier en Cèvennes et l'on ouvrît les mines d'Alès (1200). Les foires européennes se multiplièrent : à Saint Gilles, Beaucaire, Pézenas, Lodève. On y venait même d'Europe Centrale. Louis IX fit construire Aigues Mortes (1246] et acheta Montpellier au roi d'Aragon. Montpellier devint capitale marchande et universitaire, mais le roi de France eut ainsi un pied dans le Miéjour. La croisade des Albigeois amena aussi, curieusement, la langue d'Oc jusqu'aux confins du Miéjour et elle étendit son influence aux Francs du Nord (langue d'Oil) après l'avoir fait en Italie. Mais le règne des troubadours prit fin. La sculpture et la peinture gothiques firent leur apparition dans le Miéjour (Cathédrale de Narbonne - Tour de Constance) alors que presque tout l'art roman, typiquement provençal, avait été détruit. En 1286, les Etats de Provence se réunirent pour la première fois. En 1288, avait lieu la création de la cour des Comptes d'Aix où les « auditeurs des comptes » jugeaient toute la comptabilité publique du royaume de Provence.
Charles II le Boiteux voulut conquérir la Sicile mais n'y réussit pas et provoqua les sanglantes « Vêpres Siciliennes » le lundi de Pâques 1282. Captif du roi d'Aragon, il fut libéré en 1287. L'accord entre la Provence et la Papauté se fit plus étroit, après une certaine réforme des moeurs débauchées et de la richesse du clergé, surtout lorsque les Papes s'installèrent en Avignon pendant 60 ans : Clément V en 1309, Jean XXII, Benoît XII, Clément VI, Innocent VI, Urbain V (qui développa encore les universités et créa des écoles partout dans le Miéjour), Grégoire II. Ce fut une période faste de richesse et de culture pour la Provence et Avignon. Le terroir s'enrichît du cru du Châteauneuf du Pape, importé de Rome (Castelli Wecchi).
En 1369, après le départ du Pape légal, Jean XXII, d'autres anti-papes demeurèrent en Avignon. Il y en avait aussi un à Pise ! Des nobles romains de leur suite s'installèrent définitivement en Provence dont le Marquis de Baroncelli Robert, fils de Charles II, qui fit progresser l'administration avec la formation de conseils recrutés parmi les chefs de famille et nomma des « syndics ». Les villes syndicales remplacèrent les villes consulaires. Le régime était très souple, très libre et très évolué.
1343 - 1382 La reine Jeanne, reine de légende, petite-fille de Robert, chassée de Naples, son pays natal, sur accusation de complicité dans le meurtre de son mari, se réfugia en Provence, errant de château en château, de ville en ville. Puis elle put retourner à sa brillante cour de Naples où les fêtes absorbèrent toutes ses ressources. Pour se renflouer, elle vendit aux Papes la ville d'Avignon 80 000 ducats d'or. Pendant son règne, les Provençaux firent tout ce qu'ils voulurent, les Etats prirent l'habitude de se réunir et de légiférer à leur gré. Puis la guerre de cent ans fut déclarée.
Les Bordelais et les Aquitains étaient favorables aux Anglais, auxquels ils appartenaient de droit (Eléonore d'Aquitaine, fille de Raymond Bérenger et mère de Richard Coeur de Lion, avait apporté l'Aquitaine en dot) ainsi que les Bourguignons, leurs alliés. Le Mïéjour fut envahi par la soldatesque et des bandes de pillards, envoyées de Naples pour le secourir mais qui étaient surtout attirées par sa richesse et sa douceur de vivre. Tous pillaient à qui mieux mieux. Après plus d'un siècle de ces ravages, le Miéjour connut la disette, des famines meurtrières, et surtout la grande peste noire de 1348 venue de Marseille après les croisades, et qui y resta à l'état endémique. Terres abandonnées, villes désertes, commerces réduits aux petits commerces de rue, population décimée, tel était l'état du Miéjour lorsque le roi René accéda au trône.
Lorsque mourut la reine Jeanne, étouffée par son cousin Charles Duras qu'elle avait d'abord désigné comme son successeur, le remplaçant ensuite par Louis d'Anjou, Charles Duras fut reconnu comme souverain : ce fut l'Union d'Aix. Lorsqu'il mourut, ainsi que Louis d'Anjou en 1384, sa veuve Marie de Blois fut appelée en Provence par le parti des angevins et elle réussit à se concilier l'Union d'Aix par des privilèges. Cependant, Nice, Puget, Theniers, Le Val de Lantosque et Barcelonnette se donnèrent à la Maison de Savoie. La Reine dut lutter contre les Comtes de Savoie qui voulaient la Provence et préserva son indépendance à force de diplomatie. Ses successeurs furent Louis II et le Bon Roi René.
En 1442, après de vains efforts pour garder Naples et la Sicile, le roi René s'installa définitivement en Provence et s'occupa enfin de restaurer son royaume (qui comprenait le Maine et l'Anjou). Futile et tâtillon, il voulut d'abord calquer l'administration du Miéjour sur celle des Francs, ce qui fit grincer les Provençaux, et créa des offices et des impôts sans leur demander leur avis. Mais il aida et encouragea avec un remarquable succès l'agriculture et le commerce, ainsi que l'industrie (bateaux, sel, vermillon, etc...) et signa des traités avec tous ses voisins, Gènes par exemple. Le repeuplement et le relèvement furent spectaculaires. Grand artiste, il fit décorer son palais de Tarascon par Nicolas Froment, et en peignit lui-même les plafonds (perdrix et sauvagine). Bon musicien, il créa le Carnaval d'Aix et la Marche des Rois. Les Etats s'occupèrent de protéger les individus contre l'avidité des gens de loi et firent hautement respecter la liberté individuelle.
Le Prince, par certains côtés médiocre, mais poète charmant, eut le grand souci de la prospérité de son peuple et y parvint. Il méritait son surnom de « Bon Roi René ». Malheureusement sans enfant, il légua son royaume à son neveu Charles du Maine lui-même malade et sans enfant. Ce qui permit au roi des Francs, Louis XI, d'avoir des vues sur la Provence, d'autant plus qu'une partie des Provençaux se dressa contre Charles III au profit de René II, Duc de Lorraine. Louis XI intervint et chassa les Lorrains. Mais Charles III ne régna que seize mois. Dès 1480, les Etats de Provence abolirent, au moins en partie, les innovations administratives et financières du Roi René et rétablirent le Droit Provençal. L'Ordre de Malte créé à Martigues et spécialisé dans les soins aux lépreux et le transport des Croisés, comme les Templiers se chargeaient de leur sécurité en Orient, avait sa maison mère en Arles (aujourd'hui Musée Réattu). En Arles aussi étaient sa flotte de galères et sa cathédrale. Les biens de ces ordres étaient fabuleux. Aussi Philippe Auguste, roi des Francs, décima-t-il l'ordre des Templiers pour s'emparer de ses richesses et parce qu'il redoutait sa puissance à Jérusalem. Mais l'ordre de Malte s'est maintenu jusqu'à nos jours.
Charles III mourut le 11 décembre 1481 après avoir légué la Provence au roi des Francs en demandant que ses privilèges et son indépendance soient respectés. Palamède, agent officieux du roi des Francs, fit prêter serment aux officiels. Il convoqua les Etats à Aix en 1482 et fit voter 53 « chapitres » et 15 « requêtes », rédigés par lui-même, qui précisaient très soigneusement les privilèges de la Provence et les étendit considérablement. La Provence était entièrement autonome, juridiquement, politiquement et fiscalement, sous la surveillance du lieutenant-général du roi. Palamède avait donc les pouvoirs d'un roi et les exerçait abondamment à son profit et à celui de ses amis. ll ota leurs fiefs à des seigneurs provençaux pour les donner à ses favoris, des étrangers, des Français. Louis XI fut obligé de le rappeler et envoya Jean Beaudricourt à sa place. Celui-ci restitua les biens à leurs propriétaires mais il fit démolir tous les châteaux forts. Dans la région de Toulouse, où les foires de Pézenas et Lodève battaient toujours le plein, Louis XI nomma des gouverneurs militaires. A Montpellier, où résidait Jacques Coeur le Grand Argentier du roi, éclatait la prospérité et une nouvelle vague de littérature occitane voyait le jour. La sculpture se développait avec Jacques Morel et les Universités (qui avaient été protégées par les Papes d'Avignon, tous du Miejour) connaissaient un magnifique essor.
Louis XI mourut le 30 août 1483. Charles VIII commença une politique nouvelle, plus fidèle au Pacte d'Union, mais refusa tout pouvoir à son délégué Aymar de Poitiers. ll réunît les Etats du Miéjour en 1486 à Aix et proclama l'union définitive de la Provence et de la France.
Malgré ce, Charles VIII ne respecta pas l'autonomie provençale. Il imposa un gouverneur auprès des sénéchaux, d'où des affrontements continuels. Comme il voulait reprendre le Royaume de Naples, il arma des galères à Marseille. Les corsaires marseillais (Bemardin des Baux, le Capitaine Janot) se distinguèrent en Méditerranée.
En 1500, Louis XII, roi nordique, décréta le premier pogrom et chassa les juifs de Provence. Ceux-ci y vivaient paisibles et prospères dans des quartiers et des villes, dont certaines comme Carpentras leur avaient été données par les Papes. Leur exode porta un coup fatal au commerce du Miejour. Les banquiers furent désormais les gens de Paris. En outre, en 1501-1502, Louis XII osa nommer des non-provençaux au Parlement d'Aix, ce qui provoqua une véritable révolte. Malgré tout, tous ces souverains avaient respecté le sentiment et la langue des Provençaux.
En 1502, Louis XII fit construire à Marseille les chantiers navals. Il mourut en 1515. Son successeur François 1er porta les premiers coups à l'indépendance du Miejour. Il se heurta d'abord à Charles Quint, roi d'Espagne et empereur d'Autriche. En 1524, la Provence fut envahie par les Impériaux de Chartes Quint. Le 1er octobre, François 1er entra à Aix et les repoussa. II voulut reprendre le Milanais mais il fut fait prisonnier. Il reprit la guerre en 1527, alors que la Provence qui lui avait prêté d'énormes sommes d'argent essayait de regagner son autonomie. François 1er la jugula par l'Edit de Joinville en 1535. La justice dépendait désormais du roi des Francs. En 1536, Charles Quint envahît la Provence et se fit couronner roi d'Arles, à Arles, en grandes pompes. Ne pouvant lutter, François 1er ordonna de pratiquer la politique de la « terre brûlée ». Grasse et Nîmes furent incendiées et Charles Quint répondit par les massacres les plus cruels. La Provence était dévastée. Entièrement ruinée, elle dut subir encore la « gabelle », l'impôt sur le sel levé par François 1er pour payer les dépenses des noces de sa nièce (« les noces salées »). Il y eut des révoltes sanglantes, assassinats des « gabelous » et des Piémontais à Aigues Mortes, ceux-ci étant venus pour remplacer aux salins les Provençaux en grève. Enfin, François 1er envoya ses soldats raser entièrement les villages des « Vaudois » (descendants des Cathares) dont tous les habitants furent passés au fil de l'épée, hommes, femmes, vieillards, enfants : Cabrières, Cabrierette, Saint Martin, Merindol, Nyons, La Coste, Lourmarin, Villelaure, Tresemines, La Roque d'Anthéron. En 1589, par l'Edit de Villers-Cotteret, il fut interdit l'emploi de la langue d'Oc dans les textes officiels. Mais Aix en Provence utilisa le Provençal en droit et en plaidoiries jusqu'à la Révolution.
Après la répression brutale de la révolte de Marseille par Louis XIV en 1653, qui fit détruire les forts Saint Jean et Saint Nicolas, la nomination par le Duc de Mercoeur de Lazare Vento La Baume comme gouverneur et la création de postes d'intendants du roy au pouvoir quasi illimité, la Provence retrouva la paix. Son commerce et son industrie se développèrent. Marseille obtint la franchise du port et Nicolas Arnoul, à la fin du siècle, fit agrandir celui-ci ainsi que le port de Toulon. Dans les territoires du Sud-Ouest ainsi qu'à Marseille, Arles, Fontvieille, Salon, l'intendant était seul maître des finances et de l'administration, répartiteur des impôts. En 1691, il ajoutait à ses titres celui de Président du Parlement d'Aix. On conserva une représentation des administrés locaux mais elle était loin d'être démocratique. En outre, les impôts mal répartis et les dépenses entraînées par la fin du règne de Louis XIV agravèrent la situation.
La guerre de la succession d'Espagne amena de nouvelles invasions et le Duc de Savoie revint en Provence. La flotte anglaise mouillait devant Hyères. Mais les envahisseurs furent repoussés. Toutefois, la grogne était générale. L'hiver 1708-1709 très rigoureux anéantît récoltes et arbres fruitiers.
Cependant, les trente années qui suivirent la mort de Louis XlV auraient pu être des années de paix, de reconstruction et de reconquête de la liberté, si la Provence n'avait été ravagée par la peste et déchirée par les querelles religieuses de l'époque. La peste de 1720, apportée par un bateau de Syrie dont on avait déchargé les marchandises avant la mise en quarantaine, fut désastreuse. De Marseille, elle se répandit à Aix, Arles, Toulon et fit plus de 80 000 victimes dont 40 000 à Marseille.
D'autre part, les Jésuites, soutenus par le roi, et les Jansénistes, soutenus par le Parlement, s'entre-déchiraient. Finalement, en 1763, après une nouvelle invasion de la Provence après la guerre de succession d'Autriche, les Jésuites furent chassés de Provence et se réfugièrent au Puy. Avignon connut aussi quatre affaires de « convulsionnaires ».
Les corsaires provençaux continuèrent à prendre une part active à toutes les guerres (Georges Proux dit Georges de Corse). Le Parlement d'Aix continua sa résistance opiniâtre, surtout à l'augmentation des charges fiscales et à l'emploi du français. La réforme de Maupéou en 1770 fut refusée et, en 1771, celui-ci supprima le Parlement. Il fut remplacé par la Cour des Comptes, sa rivale de toujours. Les parlementaires furent exilés et l'intendant fut remplacé par deux fonctionnaires du roi. Monhyon et Sénac de Meilian. Le 12 janvier 1775, le Parlement fut rétabli mais ne joua plus qu'un rôle effacé. Toutefois, l'administration avait atteint entre-temps un point de quasi perfection, la société était brillante, on voyait fleurir le théâtre, les concerts, des artistes se fixaient en Provence : les architectes Esprit Joseph Brun, Claude d'Ageville, les peintres Van Loo, Amulphy, Verdiquier, Toucou, Tossati, le graveur Badelou d'Arles. Pierre Puget avait fini de construire le Marseille actuel. Les artisanats d'art se développèrent : faïences de Moustiers, santons et poteries d'Aubagne, céramiques, faïences de Saint Jean du Désert près de Marseille, les soieries et taffetas de Lyon, l'Imprimerie Aubanel en Avignon, les industries de luxe à Apt, Aix, et une énorme industrie textile et de chaussures à Nîmes, promue surtout par les protestants.
Les idées des philosophes du Siècle des Lumières avaient pénétrées tôt en Provence. Elles s'y mariaient assez bien chez ce peuple au fond très conservateur et en même temps très épris de liberté. La haute noblesse et le haut clergé s'accrochaient à leurs privilèges et demandaient le rétablissement des franchises en Provence. L'approche des Etats Généraux de mai 1789 agitait les esprits.
L'élection des députés devait se faire par les assemblées des sénéchaussées. On rédamait l'égalité devant l'impôt et devant la violence des Provençaux, la peur amena l'abolition des privilèges. Le 20 mars 1789, le clergé abandonna son droit à l'exemption d'impôts, le 27 mars, la noblesse renonça aux avantages pécuniers et le 28, le Parlement renonça à l'exemption de la taille. Le même mois, Mirabeau était élu à Marseille et Aix. Bien que fort peu recommandable par certains côtés, le personnage enflammait les coeurs et les esprits par son talent d'orateur, ce qui avait toujours subjugué les Provencaux, héritiers des Grecs et des Romains.
Les événements importants se passaient désormais à Versailles, mais l'agitation continua à Marseille (la Terreur Blanche y sera très violente ainsi qu'en Provence).
L'existence de la Provence se termina le 22 septembre 1789. En janvier 1790, l'Assemblée divisa la Provence en départements. Les Cadres nouveaux de l'Administration furent mis en place et le provençal, déjà condamné par l'Edit de Villers-Cotteret en 1539, le fut définitivement par la Révolution.