ARLES
Frédéric Mistral a très bien résumé le destin de cette ville dans un discours fameux dont un extrait est inscrit
dans le hall de son Hôtel de Ville : "Oui toi qui as été tout ce que l'on peut être. La métropole d'un empire,
la capitale d'un royaume et la mère de la Liberté...".
Le site original d'Arles est constitué par une colline où vient butter le fleuve, au milieu des marais. Il semble avoir été
occupé par l'homme dès le 6ème siècle avant notre ère. Les Grecs de Marseille y fondent un comptoir pour commercer
avec les indigènes, établissement qui prend de l'importance.
Mais les deux sites s'opposent vite. Arles se rallie à César alors que Marseille prend le parti de son rival Pompée. Ayant fourni
des navires facilitant la prise de Marseille, Arles prend l'avantage et devient Colonie Romaine en 46 avant J.-c. Richement décorée de
prestigieux monuments, elle reçoit un vaste territoire.
La cité a son heure de gloire à la fin de l'Antiquité quand elle devient résidence impériale et préfecture
des Gaules.
Loin de l'abaisser, le haut moyen âge confirme le prestige arlésien et la cité conserve son statut. Ses évêques ont
la primauté sur tous ceux de la Gaule méridionale. Capitale d'un mythique royaume, c'est autour d'Arles que se forme la Provence
médiévale. La cité se dote d'un consulat attesté dès 1131, qui sera par la suite idéalisé en
"République d'Arles". Mais sonne l'heure du déclin. Excentrée par rapport au reste du territoire provençal, la
ville est par ailleurs réputée rebelle. C'est alors que les Comtes de Provence transfèrent leur capitale à Aix, plus
docile, et située au coeur de leur principauté. Le séjour des Papes à Avignon porte un coup fatal au rôle à
la cité, en diminuant de manière notable le statut spirituel de son évêque. Les voies commerciales sont ainsi
détournées vers la nouvelle cité pontificale. Désormais isolée dans un vaste terroir désert entre Crau
Camargue et Alpilles, Arles n'est plus qu'une cité déchue peuplée de paysans et de marins ainsi que par une noblesse et une
bourgeoisie terriennes. Du 16ème au 18ème siècles, la ville s'orne encore de beaux monuments. Mais la Révolution
parachève son déclin en supprimant l'archevêché.
La ville sommeille durant tout le 19ème siècle. Son ultime richesse, c'est-à-dire sa vocation portuaire, disparaît
à son tour avec la mise en place du chemin de fer. Une unique chose lui reste. Grâce à son prestigieux passé auquel a
succédé une condition médiocre, Arles devient le symbole de la Provence et de son destin. C'est dans un tel contexte qu'il faut
relire la citation mistralienne qui a ouvert notre propos. Et très vite, le père de Mireille choisira la ville pour en faire sa capitale
ainsi que le conservatoire de l'âme et des traditions provençales. Ce qui avait été jusque-là un handicap est
devenu un atout. Le recul qu'a connu Arles a sauvegardé son patrimoine et ses traditions - monuments, costume, tauromachie... Mais une telle
mutation ne s'est faite que de façon progressive. Et ce n'est qu'avec la fin du 20ème siècle que la ville a pu vraiment profiter
de sa nouvelle vocation...
Certes, tous les nuages ne se sont pas levés sur l'ancienne cité du Lion. Déjà peu industrialisée, la ville a subi
de plein fouet la crise économique d'autant que dotée d'un territoire immense - c'est la plus grande Commune de France -, elle doit faire
face à de très lourdes charges par rapport à ses faibles moyens. Très récemment encore, Arles a
été frappée par de graves inondations qui ont sensibilisé les pouvoirs publics sur le problème du Rhône et
de ses crues. Mais la qualité de vie que l'on y mène est très agréable. Sa période estivale est riche de
nombreuses manifestations, des traditionnelles fêtes d'Arles aux Rencontres de la Photographie en passant par le nouveau festival Me dison
Prouvènço, qui se veut le symbole d'une Provence identitaire ouverte sur le monde, ou ses fameuses ferias...
Grâce à son statut de ville culturelle et même universitaire, Arles garde en main des atouts. Ces derniers font d'elle une ville au
prestige intact et qui la place dans la liste des grandes agglomérations du Sud malgré son importance démographique modeste. C'est
dire que le passé provençal, devenu pour Arles un outil pour l'avenir, est ici encore bien vivant...
Rémy Venture