AVIGNON
On peut dire qu'Arles et Avignon sont en quelque sorte deux villes jumelles. Elles sont situées sur des sites quasiment similaires. Et les deux agglomérations ont eu des destins très comparables, chacune connaissant à tour de rôle la gloire et le déclin...
Comme sa voisine, Avignon est née du Rhône sur une éminence rocheuse surplombant le fleuve où l'homme s'établit dès le néolithique. Il s'agit de ce que l'on appelle aujourd'hui le Rocher des Doms. À l'instar d'Arles, l'oppidum celto-ligure avignonnais s'allie à Marseille entre les 4ème et 2ème siècles avant J.-c. Ainsi qu'il le fit aussi à la pointe de la Camargue après sa victoire sur Pompée, César y installe une colonie qui deviendra une cité opulente. Il n'en reste malheureusement presque pas de vestiges, le site ayant été bouleversé par le riche destin ultérieur de la ville. Comme partout ailleurs, la période des invasions et du haut moyen âge constitue une période de repli. Arles et Avignon ont un autre point commun à cette époque. Elles sont le fief historique de la première dynastie princière provençale. Suite à l'extinction de cette dernière, la cité reste indivise entre les comtes de Toulouse et de Provence lors du partage réalisé en 1125. Un tel statut favorise l'émergence d'un pouvoir communal, consulat ou "République", attesté dès les années 1130. Contestée par le Comte provençal Raymond Béranger V, Avignon choisit de soutenir son rival toulousain empêtré dans la Croisade albigeoise.
Désormais sous la seule suzeraineté provençale à partir de 1290, la ville doit son histoire exceptionnelle à la venue des Papes en ses murs. D'abord considéré comme provisoire, un tel séjour dure pourtant près d'un siècle lorsque l'ancien évêque d'Avignon Jacques Duèse devient souverain pontife sous le nom de Jean XXII. Alors qu'il ne possède pas Avignon mais le Comtat Venaissin voisin, il s'installe dans son ancien palais épiscopal qui jouxte la cathédrale. Ce bâtiment est peu à peu transformé pour devenir le vaste ensemble palatial que l'on connaît aujourd'hui, et qui reste le plus beau monument médiéval de ce genre conservé. Car les Papes résideront quelques décennies encore en Avignon, achetée à la Reine Jeanne en 1348 pour la somme de 80 000 florins d'or. La ville alors peut profiter réellement de son nouveau statut de capitale de la chrétienté, supplantant ainsi de manière définitive sa rivale arlésienne. Elle se couvre d'églises, de couvents et de palais au cours d'un véritable âge d'or qui restera mythique pour les intellectuels provençaux.
Initié à partir de 1377, le retour des Papes en Italie porte assurément un coup à son dynamisme. Mais Avignon reste jusqu'à la Révolution une petite cité état jumelée au Comtat Venaissin, et enclavée au milieu du territoire français. Une sorte de vitrine italienne dans le royaume, avec des bons et des mauvais côtés. Les frontières perméables permettent de lucratifs échanges ainsi que la contrebande. Les Avignonnais et les Comtadins gardent leurs avantages de sujets pontificaux tout en obtenant aussi le statut de "régnicole", qui les assimile de fait aux Français. Mais le gouvernement des Vice-Légats, représentants du Pape venus d'Italie, est souvent considéré comme oppressif. Et les états pontificaux de Provence servent d'otage à Paris qui les occupe lors de chaque conflit avec Rome..
C'est la raison pour laquelle les Avignonnais se rallient avec joie à la Révolution. La ville devient alors le chef-lieu du département de
Vaucluse formé par les états du Pape, l'ancienne principauté d'Orange et le Luberon provençal. Centre administratif et agricole, la vieille cité deviendra la première capitale de la renaissance littéraire provençale, initiée à partir des années 1850. Ce sont en effet des jeunes intellectuels réunis en ses murs qui élaboreront ce mouvement, couronné en 1904 par l'obtention du Prix Nobel de littérature à Frédéric Mistral. La fin du 20ème siècle et le début du 21ème verra l'affirmation accrue de la vocation culturelle de la ville. Il est impossible de ne pas évoquer ici l'incontournable festival d'Avignon créé par Jean Vilar. Et l'an 2000 vit encore la cité des Papes proclamée capitale européenne de la culture, prémices favorables pour le siècle qui commence.
Rémy Venture